Le couplage phonon-roton dans
l'hélium liquide et dans les gaz de fermions superfluides
L'hélium 4 liquide est le premier système physique ayant
conduit à l'observation de ce phénomène quantique macroscopique
fascinant qu'est la superfluidité. Bien que sa phase superfluide
ait fait l'objet d'études approfondies depuis presque un siècle,
elle présente encore quelques phénomènes fondamentaux non
totalement compris d'un point de vue quantitatif. L'un d'entre
eux est l'atténuation des ondes sonores qui, comme il est
habituel en présence d'interactions à courte portée, se
propagent dans le fluide suite à une perturbation de la densité.
À basse température, l'hélium 4 superfluide comporte deux types
d'excitations, les phonons et les rotons. Les phonons sont les
quasi-particules bien connues composant l'onde sonore dans une
description quantique ; ils ont l'habituelle relation de
dispersion linéaire à faible nombre d'onde. Les rotons, en
revanche, découverts dans l'hélium, sont des quasi-particules
massives un peu étranges car leur relation de dispersion
présente un minimum non nul (une bande interdite) pour un nombre
d'onde non nul. L'amortissement des phonons (donc du son) par
diffusion sur les rotons a été calculé par Landau et Khalatnikov
en 1949 mais n'a jamais fait l'objet d'une vérification
expérimentale précise ; pire, des mesures récentes [Fåk et al.,
PRL (2012)] pointent vers un désaccord.
Une collaboration théorique entre l'université d'Anvers et deux
équipes du LKB a permis d'obtenir ce qui devrait être
l'expression définitive du couplage phonon-roton à basse
température, en incluant des termes qui avaient été omis ou
même, pour l'un d'entre eux, oublié dans l'article de 1949.
Cette nouvelle prédiction devrait pouvoir être confirmée
expérimentalement par des mesures précises dans l'hélium 4, liquide
de bosons, à basse température. Dans le même travail, la
théorie a été étendue à un autre système, un gaz
d'atomes fermioniques dans un piège à fond plat, qui
n'existait pas en 1949 mais que l'on a récemment préparé en
laboratoire dans l'équipe de Martin Zwierlein
au MIT et dans l'équipe de Christophe Salomon au LKB. Ce système
est superfluide à basse température et présente lui aussi deux
types d'excitations, des phonons et des quasi-particules BCS
(paires
de fermions brisées), ces dernières ayant bien une relation de
dispersion rotonique (avec une bande interdite et une masse
effective non nulles). L'amplitude de diffusion des phonons sur
les quasi-particules BCS n'avait cependant jamais été calculée
auparavant. C'est maintenant chose faite.
Une confirmation expérimentale des couplages nouvellement
prédits permettrait de clore un chapitre important de la
physique des systèmes quantiques macroscopiques à basse
température.
Publication
"Landau
Phonon-Roton Theory Revisited for Superfluid 4He and Fermi
gases", Yvan Castin, Alice Sinatra, Hadrien Kurkjian, PRL
119, 260402 (2017).
Auteur correspondant
Yvan Castin, yvan.castin@lkb.ens.fr